Ah la question du tourisme sur le dos d’un éléphant … ça fait longtemps que ça nous démangeait de vous en parler mais n’ayant jamais été en Asie avant ce voyage en Inde c’était un peu compliqué. Maintenant que c’est chose faite, on peut vous partager toutes les infos qu’on a pu récupérer avant et pendant le voyage. Bien que déjà sensibilisés, on a apprit pas mal de choses et on est persuadés que vous ne savez pas tout même si beaucoup de gens en parlent !
On voulait attendre de voir avant d’en discuter, non pas qu’on était pas encore convaincus du désastre mais on souhaitait vous parler avec nos émotions. Alors non, nous n’avons bien sûr pas été jusqu’à tester une activité à dos d’éléphants, jamais de la vie une expérience de ce type pourra être justifiée par la curiosité ! Mais sur la route du jardin d’épices qu’on s’apprêtait à découvrir, on a demandé à notre chauffeur de tuk tuk de faire un petit détour pour aller à la rencontre des éléphants. Pendant 15min on s’est presque sentis comme des militants de Greenpeace ou de Sea Shepherd en immersion !
Dès notre arrivée, un éléphant nacelle sur le dos se dirige vers l’un des lodges où des touristes attendent pour partir en trek … et là c’est flagrant, marquant même, son regard semble vide, triste, perdu, il avance d’un pas « robotisé » là où le dresseur lui ordonne d’aller.
De l’autre côté, un autre pachyderme semble nerveux, fouettant contre le sol les feuilles tenues par sa trompe, se balançant de gauche à droite alors que sa chaine d’à peine 2m l’empêche de se déplacer comme il veut.
Mais comment en arrive-t-on là ?
Capture en milieu sauvage
En milieu captif les éléphants ne se reproduisent que très très peu, encore moins dans les centres d’excursions touristiques où ils n’ont ni le temps, ni l’occasion, ni la santé mentale et physique pour le faire. La seule « solution » est donc la capture, qui, bien qu’elle soit illégale, est très répandue. Les mahouts (« dresseurs ») ciblent les éléphanteaux de 2-3 ans en les anesthésiant et en tuant tout éléphant tentant de le protéger … d’après les estimations, environ 4 éléphants adultes seraient tués pour capturer un éléphanteau …
« Domestication » des éléphants grâce au Phajaan
Les guillemets sont importants ! On a du mal à parler de domestication tant le processus est inhumain, on préfère parler de soumission.
Le Phajaan est une rituel ancestral pratiquée en Inde, en Thaïlande et au Myanmar qui consiste à écraser l’esprit de l’animal pour le séparer de son corps. Autrement dit, détruire l’éléphant psychologiquement pour lui faire perdre son instinct animal pour être sous le contrôle total de l’Homme … Une torture dont il doit se souvenir pour exécuter les ordres sous peine de la revivre.
Pour ça l’éléphant est placé un long moment dans une cage solide faisant à peine sa taille de manière à ce qu’il ne puisse pas bouger pour lui faire subir de nombreux châtiments corporels : brulures, électrocution, coups sans compter qu’ils sont aussi affamés, assoiffés pendant tout ce temps.
On estime que la moitié des éléphants subissant le Phajaan meurent avant même la fin du rite.
Un dressage au Bullhook
Pendant le Phajaan, les éléphants sont frappés à l’aide d’un bullhook, une sorte d’outil de torture multifonctions : une pointe pour faire pression sur les endroits sensibles de l’animal, un crochet pour piquer ou plutôt percer la peau et un manche en bois solide pour frapper les membres et les articulations.
Après le Phajaan, les éléphants sont soumis complètement à l’Homme et son prêts à tout pour ne pas revivre cette expérience : emmener des gens sur son dos, trimballer du bois, peindre avec sa trombe, lancer de l’eau, jouer au foot, faire des acrobaties … ça nous amuse (enfin « nous » …), on a l’impression que l’animal prend du plaisir mais il ne fait qu’exécuter un ordre. De temps en temps, le mahout se permet quelques petits rappel en enfonçant discrètement la pointe de son bullhook sur des points stratégiques autour ou sur l’oreille. Les touristes ne le voient pas mais l’éléphant comprend le message …
L’éléphant, un colosse au pieds d’argile
Aussi résistant qu’il puisse paraitre, un éléphant ne peut porter plus de 150 kg sans fragiliser son ossature ! Quand on pense que rien que la nacelle pèse une centaine de kilos, qu’on peut monter à 2-3-4 dessus, en plus du mahout … on est loin du compte !
Au delà du poids, l’animal ne peut même pas subvenir à ses besoins primaires : alors qu’en liberté il passe plus de 15h de son temps à s’alimenter et à s’hydrater (env. 200kg de nourriture et 100 à 200L d’eau par jour), en captivité il passe son temps à exécuter les ordres de l’Homme.
Les liens sociaux, très importants chez l’éléphant sont aussi complètement détruits par la captivité, ce qui plonge l’animal dans des états de dépression importants.
En plus de la capture et du phajaan qui tuent, un éléphant captif vit en moyenne une 20 aine d’années quand un éléphant vivant en milieu naturel atteint très souvent les 40-50 ans …
Agir en connaissance de causes
Le but de cet article n’est pas de juger ou moraliser sur les choix de chacun mais d’informer car bien souvent les erreurs sont nées d’un manque de connaissances ou de publicité mensongère de la part des agences de voyage. On est en droit de penser que si la plupart des Tours Opérateurs et des agences locales proposent ce genre d’activités c’est qu’il y a des contrôles voire même qu’elle est sans crainte pour l’animal ! Mais malheureusement ce n’est pas l’éthique, c’est l’argent qui guide l’offre touristique : tant que la demande de notre part, voyageurs, sera forte, les agences continueront de proposer ce genre de sorties, tout comme les temples de tigres en Asie aussi, les tours de singes sur la place Jemaa El Fna à Marrakech ou même les acrobaties de dauphins et d’orques dans des parcs aquatiques en France …
« Oui mais les touristes ils aiment ça »
Telle est la réponse donnée par notre chauffeur quand on lui fait remarquer la souffrance de l’éléphant.
Malgré le petit clin d’oeil humoristique du début, nous ne sommes ni Greenpeace, ni Sea Shepherd, nous ne sommes pas non plus particulièrement des activistes de la protection animal mais nous pouvons tous se poser quelques questions : « Est ce que seul mon épanouissement personnel doit être pris en compte pour mes vacances ? » « A quel prix puis-je m’amuser ? » « Puis-je monter sur un éléphant en sachant que probablement 9 autres ont été tués pour ça ? »
Alors comment observer des éléphants ?
A Kumily par exemple, en dehors des « sanctuaires » (joli nom pour dire centre d’élevage de torture), il est possible de partir en balade (à pied ou en radeau) tout une journée pour tenter d’observer les éléphants dans leur milieu naturel. La rencontre n’est évidemment pas garantie mais la joie est tellement plus forte quand le doute subsiste !
Il existe aussi de nombreux refuges en Asie qui récupère des éléphants victimes du phajaan et de la traite de l’Homme. Le plus compliqué est de connaître le réel engagement de ses structures : vrai refuge ou fausse agence ? Quelques éléments peuvent vous aider : le centre propose-t-il des ballades, des acrobaties, des tours (jet d’eau, peinture, foot, etc) ? Les mahouts ont-ils des bullhooks à la main ? Oui, oubliez, l’éléphant est encore une simple attraction soumise à l’Homme. Si au contraire le refuge ne propose rien de tout ça et va jusqu’à prévenir que le contact avec l’éléphant n’est pas garanti et limité alors il y a des chances que son engagement soit réel.
N’hésitez pas à partager vos expériences en commentaire, que ce soient des erreurs passées, des bons plans ou de la prévention quant à certains centres !